Vivre à la campagne

Faire pousser des champignons… ici, au Québec?

Parfois craints des néophytes, appréciés des connaisseurs, les champignons sont entourés d’un certain voile de mystère.

Par Annie Morissette, agronome
Photos tirées du livre Forêt : Identifier, cueillir, cuisiner

Cultivés depuis très longtemps dans certaines régions du globe, ils sont aussi bien présents au Québec. Ils se prêtent à différentes méthodes de production, tant pour les jardiniers amateurs que pour les maraîchers visant une diversification. Toutefois, c’est une spécialité qui comprend certaines particularités et il est primordial de bien s’informer avant de se lancer.

Avant tout, qu’est-ce qu’un champignon?

L’image qu’on se fait d’un champignon, c’est-à-dire avec un pied et un chapeau, est en fait la « pointe de l’iceberg » de cet organisme vivant. Cette partie visible, appelée le carpophore, est l’organe reproducteur qui sert à répandre les spores. Les spores, quant à elles, contiennent du matériel génétique et contribuent à la prolifération du champignon. Le carpophore, c’est donc un peu la fructification du champignon. Il s’agit d’une structure éphémère qui ne représente qu’une petite partie du champignon même. La structure la plus durable et la plus abondante s’appelle le mycélium. Souvent caché dans le milieu où vit le champignon (sous terre, dans le bois mort…), le mycélium est formé d’hyphes, des filaments blanchâtres qui peuvent s’étendre sur de très grandes distances. En Oregon, aux États-Unis, se trouve le plus grand champignon découvert jusqu’à ce jour. Sa taille est estimée à 2 385 acres (965 hectares)!

Préférences alimentaires des champignons

Les champignons se nourrissent de la matière organique dans laquelle ils évoluent. Ils dépendent d’autres organismes pour leur alimentation. On peut les classer selon le type d’interaction qu’ils ont avec cet autre organisme – ou, si vous voulez, selon leurs préférences alimentaires.

  • Les symbiotiques : les truffes, les cèpes, les chanterelles et les matsutakes sont des exemples de champignons symbiotiques. Le mycélium s’associe avec les racines de certaines plantes ou de certains arbres et crée des mycorhizes. Il en résulte une symbiose qui se traduit par des échanges chimiques bénéfiques aux deux parties. La plante ou l’arbre partage les produits de sa photosynthèse, tandis que le champignon fournit eau et éléments nutritifs. C’est beau l’entraide!
  • Les parasites : ce sont les champignons qui dépendent d’un autre être vivant (animal, végétal ou fongique) et dont la relation n’est bénéfique que pour ces champignons. Cette relation est souvent la cause de maladies ou même de la mort chez l’organisme parasité. Le chaga, champignon vivant aux dépens des bouleaux, et qui suscite de l’intérêt pour ses valeurs culinaires, en est un bon exemple.
  • Les saprophytes : ceux-ci se nourrissent de matière organique morte ou en voie de décomposition. Ils sécrètent des enzymes capables, notamment, de dégrader des matières comme la lignine, peu digestible pour d’autres organismes. Les pleurotes, les shiitakes et les champignons de Paris font partie de cette catégorie.

Parlons un peu culture, maintenant!

Les champignons de spécialité les plus cultivés au Québec sont le pleurote, le shiitake et le strophaire rouge vin. Le plus facile et le plus rapide à cultiver est le pleurote.

Il existe différentes façons de cultiver des champignons : directement au jardin, sur des rondins sous couvert forestier, ou encore sur des kits tout prêts vous permettant d’en faire pousser directement dans votre cuisine. La méthode choisie doit être adaptée à l’espèce de champignon à cultiver. De plus, certaines variétés sont plus faciles que d’autres. Il est important de bien s’informer sur les variétés choisies avant de commencer.

Les kits de culture de champignons se vendent prêts à être utilisés et il suffit, généralement, d’ajouter de l’eau. Il est conseillé de toujours suivre les instructions du fabricant.

Pleurotes. © Shutterstock

La culture au jardin consiste à implanter du mycélium et du substrat (ex. : paille ou copeau de bois) directement dans le jardin. Le mycélium peut être incorporé au sol ou dans un paillis. Il est intéressant de savoir que les espèces de champignons qui peuvent être cultivées au jardin sont saprophytes : elles se nourrissent de matière organique morte ou en voie de décomposition. Le champignon ne nuira donc pas à vos autres cultures.

La culture sur rondin consiste à faire pousser des champignons directement dans un rondin ou une bûche de bois. Il est préférable de couper le rondin durant l’hiver et de ne pas trop tarder avant de l’inoculer. Il existe plusieurs méthodes pour inoculer le mycélium dans votre morceau de bois. Une des méthodes régulièrement rencontrées consiste à percer le rondin et y insérer de la sciure de bois inoculée ou des douilles inoculées. Ensuite, il faut laisser le temps au mycélium de se propager dans le rondin et de fructifier.

Ces méthodes sont ici grandement résumées; il est très important de bien s’informer auprès de professionnels avant de se lancer afin d’avoir toutes les précisions techniques en main.

Qui d’autre peut s’intéresser à vos champignons?

Il y a fort à parier que votre récolte attisera la convoitise de plusieurs êtres vivants… autres que vos voisins. Les oiseaux et les écureuils perçoivent l’odeur de vos champignons et peuvent être attirés par cette nouvelle ressource. Il est conseillé de couvrir votre mycélium avec de la terre, de la paille ou de la vermiculite afin de le protéger. De petits tas de graines à proximité du mycélium peuvent aussi détourner l’attention des intrus.

Les moisissures peuvent aussi se mettre de la partie. S’il y a un peu de moisissure, le problème peut se résoudre de lui-même, mais s’il y en a beaucoup, la récolte peut être mise en péril.

La récolte

Les champignons doivent être récoltés jeunes avant l’éjection des spores. Lorsque le chapeau est complètement déployé, cela signifie qu’ils sont prêts à libérer leurs spores. La couleur du chapeau peut aussi être un indice : la plupart des champignons changent de couleur au moment de la sporulation. Les champignons récoltés au bon moment ont non seulement meilleur goût, mais leur conservation est aussi plus longue.

Des champignons de toutes sortes peuvent être cultivés ici, au Québec. Pour en savoir plus sur la culture des champignons de spécialité, consulter la Fiche synthèse – Champignons, disponible sur le site Internet du CRAAQ au www.craaq.qc.ca.

Références

CRAAQ. 2018. Fiche synthèse – Champignons. Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec. 40 p.

Demers, S. 2015. Champignons : les techniques de production en forêt. Présentation donnée lors des Journées horticoles et grandes cultures. 88 p. https://www.agrireseau.net/documents/Document_91272.pdf (consulté le 24 avril 2020)

Leblanc, V. 2012. Guide de culture de champignons comestibles, 1er édition. Violon et Champignon. 22 p.

Schmitt, C. L. et M. L. Tatum. 2008. The Malheur National Forest. Location of the World’s largest living organism [The humongous Fungus]. https://www.fs.usda.gov/Internet/FSE_DOCUMENTS/fsbdev3_033146.pdf (consulté le 6 mai 2020)

Violon et Champignon. 2020. Informations sur la culture des champignons [En ligne]. https://violonetchampignon.com/pages/ information (consulté le 24 avril 2020)

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