Vivre à la campagne

Des poules en ville!

Par Annie Martel

Depuis quelques années, les poules en ville gagnent en popularité, mais pour quelle raison? Pour certains, cette initiative est poussée par le désir de faire un geste écologique, pour d’autres, elle est envisagée pour des questions économiques, mais une chose est certaine, installer un poulailler dans son jardin ne cesse de séduire les gens de la grande ville. On parle même maintenant d’un véritable phénomène de mode. La perspective de ramasser des œufs frais presque tous les jours rend fier et nous ramène à un souvenir lointain de notre enfance. La poule étant considérée comme un animal de compagnie, vous ne serez peut-être pas surpris d’apprendre qu’elles sont des bêtes attachantes. Elles peuvent rapidement devenir familières avec leur propriétaire. Mais avoir des poules n’est assurément pas comme avoir un chat.

© Annie Martel

L’EXPRESSION MÈRE POULE

Cette expression a vu le jour au cours du XIXe siècle et s’appuie sur l’image de la poule qui veille jalousement sur ses petits et n’hésite pas à attaquer si on les approche. La poule, bien que docile, est une bête jalouse qui protège ses petits bec et griffes.  D’où l’expression « mère poule ».

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Au-delà de vouloir des œufs frais tous les matins (comme M. O’Hara dans la série O’ diffusée à TVA), pour savoir si on est fait pour avoir des poules, il faut se poser certaines questions :

  • Vais-je être présent quotidiennement pour m’occuper de mes poules?
  • Suis-je assez attentionné? (Il faut nettoyer, prodiguer des soins aux poules.)
  • Suis-je en règle avec la Ville, et en bonne entente avec mes voisins, ma communauté?
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LA RÉGLEMENTATION

Avant d’aller de l’avant avec votre projet, assurez-vous de la réglementation de votre ville ou de votre arrondissement. Les règlements divergent beaucoup d’un endroit à l’autre. Dans bien des villes, il n’est pas nécessaire d’avoir un permis pour la construction d’un poulailler, mais il vaut mieux vérifier auprès des instances compétentes avant de vous lancer dans ce projet. Validez également le nombre de poules que vous pouvez avoir. En moyenne, les gens peuvent en garder de trois à cinq à l’extérieur de la maison. Sachez que dans certaines villes il y a même un couvre-feu pour les poules. Si vous contrevenez aux règlements, vous pourriez recevoir des amendes allant de 300 à 500 $ par infraction. L’élevage des poules peut également être complètement interdit dans certaines villes, les contrevenants pouvant recevoir une amende allant jusqu’à 1000 $, en plus de payer les frais de cour. À noter que les coqs sont aussi interdits dans la plupart des secteurs domiciliaires. Et croyez-en mon expérience, c’est une bonne chose! Saviez- vous que le coq est l’emblème du Portugal? Lors de mon dernier voyage dans ce pays, j’ai vite compris que celui-ci est roi et maitre en ville. Il y a des coqs partout, et sachez qu’ils ne chantent pas seulement à 6 h du matin. C’est parfois étourdissant.

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LA CONSTRUCTION DU POULAILLER

La taille de votre poulailler dépend il va de soi du nombre de poules prévu. Vous devez compter environ de 0,5 à 1 m2 de surface par poule. Votre abri devra être bien protégé des intempéries, mais aussi des prédateurs tels que les chats, les chiens et les renards. Le sol sur lequel sera construit votre poulailler se doit également d’être sec, et l’endroit suffisamment ventilé, mais à l’abri des courants d’air frais et pas trop exposé au soleil. Vous devez prévoir des pondoirs pour vos poules, soit un pondoir pour deux ou trois bêtes. Vous pouvez faire votre pondoir dans un vieux tiroir ou encore dans un caisson en bois. Si vous désirez un poulailler facile d’entretien, installez-le sur un sol cimenté, cela facilitera le nettoyage et la désinfection. Évidemment, cette méthode est plus couteuse. Si non, optez pour un sol avec une litière et de la paille.

Si vous êtes de ceux et celles qui ne veulent pas se casser la tête, vous pouvez acheter un poulailler préfabriqué. Certaines entreprises au Québec y ont vu une niche, telles que Cabanons Mirabel. Les poulaillers préfabriqués sont habituellement construits en fonction de nos quatre saisons. Les prix varient beaucoup, mais en moyenne pour un bon poulailler vous pouvez estimer les couts de construction à près de 400 $. Vous pouvez même commander en ligne votre poulailler sur Wayfair moyennant de 400 $ à 600 $.

Assurez- vous que le poulailler que vous choisirez ou que vous construirez est bien ventilé, vous ne voulez pas rendre vos poules malades. La chaleur et l’humidité élevées peuvent créer de la fermentation de micro-organismes chez les poules et ainsi devenir néfastes pour elles et leur croissance. Il n’est pas nécessaire d’apporter de la lumière artificielle à votre poulailler. C’est pour cette raison que le choix de son emplacement devient crucial.

Une petite gâterie bien appréciée des poules, les perchoirs pour la nuit. Il faut compter environ 25 centimètres de perchoir par poule, et assurez-vous que votre rondin de bois ne dépasse pas 5 centimètres de diamètre afin qu’elle puisse bien s’y agripper.

À noter que le poulailler comprend deux sections, soit l’habitat interne, où les poules se perchent et pondent, et l’enclos, autrefois appelé le promenoir. En hiver, les poules peuvent rester dans des poulaillers bien isolés, avec une chaufferette. Leur ponte, toutefois, diminue durant les mois les plus froids.

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BIEN CHOISIR SES POULES

Avoir des poules est un contrat en soi. La durée de vie d’une poule est en moyenne de 10 ans. L’âge à partir duquel elle commence à pondre dépend, en grande partie, de sa race, mais aussi des aliments qu’elle mange. Elle pond déjà moins après trois ans. Donc, lors du choix de votre poule chez l’éleveur, assurez-vous de bien exprimer ce que vous désirez. Il y a deux types de poule, les hybrides et celles de race. Évidemment, le prix d’une poule varie beaucoup, selon votre choix et sa race, mais attendez-vous à payer de 15 $ à 40 $.

Les poules hybrides sont apparues au temps de la Seconde Guerre mondiale, elles ont été conçues pour simplifier la vie des éleveurs. La grosse différence entre la poule hybride et la poule de race réside dans la ponte. La ponte de l’hybride est excellente les premières années, tandis que pour la poule de race, elle est très variable. Sachez qu’il y a une centaine de races de poule dans le monde.

Les poules hybrides sont les plus recommandées, car elles proviennent du croisement de deux poules de race de bonne réputation, soit la Rhode Island et la White Leghorn. Il y a aussi des poules à double usage, qui nous fournissent des œufs et qu’on peut manger. Elles peuvent pondre entre 180 et 250 œufs par année… et aussi finir en excellent poulet sur la broche.

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LES POULES AU COCOTIDIEN

S’occuper d’un poulailler ne représente pas une tâche à temps plein, mais vous devez vous y affairer quotidiennement deux fois par jour, soit le matin et le soir. On estime que pour quatre poules, vous devez prendre 15 minutes le matin et 15 minutes le soir.

  • Chaque matin vous devez récolter les œufs frais; n’oubliez pas d’avoir les mains propres.
  • Vous devez ramasser les fientes sous les perchoirs. Les œufs fraichement ramassés peuvent être conservés environ 28 jours.
  • Inspectez les lieux, les coins des poulaillers afin de vous assurer qu’aucune bête nuisible ne peut y pénétrer.
  • Observez l’état de vos poules, leur crête, leur respiration; cette étape en dit beaucoup sur leur santé.
  • Nourrissez vos poules et donnez-leur de l’eau fraiche tous les jours.

L’alimentation de base d’une poule est assez simple, elle mange surtout des céréales (avoine, maïs, blé). Les poules sont omnivores, donc elles mangent à peu près tout ce qu’elles trouvent, du moment que cela soit appétissant… un peu comme nos adolescents!

Les poules adorent les restants de table. Contrairement à la croyance populaire ou tel que le démontre les films d’époque, il n’est pas recommandé de lancer des graines au sol pour les nourrir. Notre climat humide entrainera la moisissure des graines et affectera ainsi le système digestif des poules.

Si vous avez l’intention de partir en vacances, assurez-vous d’avoir un remplaçant. Il n’est pas recommandé de laisser de la nourriture pour trois jours à vos poules. Elles s’attachent à votre présence, donc ne perturbez pas leur routine. Ne les stressez pas, car elles sont sujettes aux crises cardiaques. Si vous avez des enfants, apprenez-leur dès le départ à apprivoiser calmement vos poules.

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Si vous désirez réellement fournir votre part et encourager les producteurs d’ici, optez pour la poule Chantecler, une race créée au Québec et qui fait partie du patrimoine agricole de la province depuis 1999. Cette race, qui a vu le jour au début des années 1900, est une création du frère Wilfrid qui résidait à Oka. Issue du croisement de multiples races, dont la Leghorn blanche, la Cornish foncée et la Wyandotte blanche, cette poule résiste très bien à nos hivers québécois. Ses œufs et sa chair feront votre bonheur.

Ne choisissez pas votre poule à l’aveugle chez l’éleveur. Assurez-vous qu’elle a de belles plumes lustrées et sans parasites, un bec solide qui se ferme bien, que sa respiration est fluide, que sa crête est sans croute, qu’elle a l’œil vif et qui ne coule pas. La vivacité de la poule est également importante. Si celle-ci se tient le cou droit, c’est bon signe. N’oubliez pas de demander à l’éleveur si les poules sont vaccinées.

Si vous désirez ajouter de nouvelles poules à votre élevage à la maison, vous devez les mettre en quarantaine afin de vous assurer d’éliminer tous les parasites de vos nouvelles amies. Cette opération est difficile mais nécessaire afin de protéger votre actif.

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LE CÔTÉ PRATIQUE ET ÉCOLOGIQUE

Certes vous aurez des œufs frais pratiquement tous les matins pour votre déjeuner ou pour cuisiner, mais avoir des poules c’est bien plus que de récolter des œufs. Le phénomène d’autosuffisance est de plus en plus populaire et il n’y a pas que les poulaillers qui gagnent en popularité, entre autres il y a aussi les jardins en ville.

Les fientes de poules peuvent servir de fertilisant pour votre jardin. Mais attention, il faut les mélanger à votre compost, car les fientes seules peuvent être nocives, étant très riches en azote.

L’OPINION DE LA SPCA

La SPCA, qui a à cœur le bien-être des animaux, déplore que la mode des poules à la maison semble s’amenuiser rapidement chez plusieurs personnes qui se sont lancées dans cette aventure. En 2017, la SPCA de Montréal a récupéré une vingtaine de poules; en 2018, ce nombre a doublé. Les gens se départissent de leurs poules lorsque celles-ci ne produisent plus d’œufs. L’abattage d’une poule ou son euthanasie chez le vétérinaire coute environ 120 $, malheureusement les gens choisissent l’option la moins couteuse, soit l’abandon.

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Est-ce que les gens sont assez éduqués avant de se lancer dans cette aventure, la question se pose. Une responsable de l’Institut de technologie de l’agroalimentaire (ITA) de La Pocatière s’est déplacée à Sherbrooke pour offrir la formation aux résidents désirant avoir un poulailler urbain. Devant l’engouement envers la possession de poules en ville, Louise Arbour a décidé de créer le site Internet poulesenville.com. Résidant à Terrebonne, elle donne des formations en personne, mais également en ligne, formations que vous pourrez donc suivre à votre rythme. La formation webinaire coute environ 125 $. Madame Arbour a également développé un concept de poulailler qu’elle surnomme LA VILLA, facile à assembler en trois heures avec l’aide de deux à trois personnes. Le prix de départ de cette villa de luxe pour poules est de 4200 $.

En terminant, avant de vous lancer dans cette aventure peu ordinaire, faites vos recherches auprès de votre ville. Rappelez-vous que les poules ne sont pas des animaux de compagnie comme les chats ou les chiens, et encore moins des animaux pour amuser les enfants. Internet regorge de conseils pour la garde de poules à la maison. Il existe également quelques livres sur le sujet. Que vous mangiez vos œufs brouillés, pochés ou encore durs, avant de renouer avec la nature et de vous lancer dans l’élevage de poules à la maison, réfléchissez-y bien. Malgré les apparences, cet engagement n’est pas une mince tâche.

SOURCES :

J’élève mes poules dans mon jardin – Hachette – Christian Nadeau-Huet Engouement pour les poules, ces merveilleuses pondeuses – La Presse Poulesenville.com – Louise Arbour

Les poules et la SPCA https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/201805/03/01-5169374-lagriculture-animale-ne-marche-pas-en-ville-dit-la-spca.php

Liste des races de poules : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_races_de_poules

Poule Chantecler : http://volaillesduquebec.qc.ca/elevage/types-de-volailles/race-chantecler

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