Vivre à la campagne

Attention, les dindes sauvages nous envahissent!

© Association forestière du sud du Québec

Par Annie Martel

Il est gros, imposant, il peut parfois faire peur, mais connaissez-vous la véritable histoire derrière le dindon sauvage ou le Wild Turkey? Nouveau depuis quelques années et de plus en plus abondant dans le paysage québécois, le dindon ou la dinde sauvage (nom scientifique : Meleagris gallopovo) appartient à la famille des Phasianidae, famille qui regroupe des oiseaux gallinacés tels que les perdrix, les cailles, les faisans et paons et d’autres espèces apparentées. État de la situation…

Un peu d’histoire…

À l’époque précolombienne, on estimait la population de dindons en Amérique du Nord à environ 10 millions d’individus. Cette population a par la suite décliné à cause de la colonisation et de la chasse excessive. Les dindons étaient une source intarissable de nourriture pour les colons. Vers la fin du 19e siècle, leur nombre était à son plus bas. Par conséquent, des mesures pour protéger l’animal furent prises. En 1920, le dindon sauvage avait disparu de la province canadienne de l’Ontario et de 18 États américains sur les 39 constituant son aire de répartition originale.

Dindon sauvage femelle. © Patrick Ingremeau, oiseaux.net

Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que des mesures ont été déployées pour réintroduire le dindon. Des populations viables ont ainsi été relocalisées dans plusieurs régions des États-Unis, mais ce n’est qu’en 1991 que la chasse aux dindons a été rouverte chez nos voisins du Sud. Il existe six sous-espèces de dindes sauvages, certaines ne sont visibles qu’aux États-Unis (ou même qu’au Texas) ou au Mexique.

Le dindon sauvage au Québec

Deux espèces sont visibles au Canada : le dindon sauvage de l’Est et le M. gallopavo merriami. Le premier est originaire du sud de l’Ontario et du Québec, tandis que le dindon sauvage Merriam a été introduit au Manitoba en 1958 et en Alberta en 1962. On chasse le dindon sauvage depuis 2008 dans le sud du Québec, mais tout porte à croire que l’adoucissement de nos hivers fait en sorte que les oiseaux en profitent pour remonter un peu plus au nord. Les dindes sauvages se promènent en ville pour diverses raisons, l’absence de prédateurs notoire en est une. C’est le cas pour le sud du fleuve Saint-Laurent, l’absence de loup étant une cause directe de la prolifération du dindon.

La meilleure solution pour réduire la présence de ces gallinacés est de minimiser les sources de nourriture autour des maisons, mais c’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. Si vous apercevez un dindon sauvage, faites attention, il pourrait vous attaquer, même que certaines attaques de dindons ont été répertoriées à Montréal, mais aussi dans d’autres régions du Québec. Ils ont surtout très mauvais caractère lors de la période de reproduction.

La reproduction

Les mâles sont polygames, ils peuvent s’accoupler avec plusieurs femelles. Un peu comme les paons, lors de la reproduction, les dindons paradent fièrement et gonflent leur plumage pour attirer l’attention. Le cri du mâle en période d’accouplement peut être entendu jusqu’à 1,5 kilomètre au loin. Une fois l’accouplement terminé, la femelle se trouve un trou bien caché afin d’y pondre de 10 à 14 œufs, souvent en une journée. L’incubation des œufs dure environ 28 jours. Les dindes sauvages peuvent pondent deux fois par année, car il y a deux saisons des amours. C’est au cours de la première qu’il y a le plus grand nombre d’accouplements. La seconde survient lorsqu’une partie des femelles ont perdu leurs œufs à cause de la prédation des renards, des ratons laveurs ou des corneilles. Une montée subite des eaux peut également avoir un effet dévastateur. Sa reproduction croît à une vitesse fulgurante.

© Guillaume Lapierre, Ninja Média

Les femelles atteignent l’âge de la maturité à deux ans. Pendant la nidification, elles quittent rarement le nid, elles demeurent au sol pour se nourrir et ainsi toujours garder un œil sur le nid. On retrouve souvent des nids dans les plans de framboises ou près des cours d’eau entourés de broussailles sèches et bruyantes qui l’avertiront de la présence des prédateurs.

L’alimentation du dindon

Les dindons sauvages sont omnivores, ils se nourrissent au sol ou sur les arbustes. Leurs pattes sont très bien adaptées pour gratter le sol et trouver de la nourriture, ils semblent même apprécier le goût des petites grenouilles et des salamandres. Des dindons ont carrément envahi certains coins de verdure au Québec tels que les Plaines d’Abraham et certaines régions de Chaudière-Appalaches. En plus du sol riche en petits vers, les gens y laissent de la nourriture, ce qui attire ces gallinacés. Les dindons et leurs dindonneaux adorent les petits fruits comme les baies sauvages, les insectes et les graines. L’hiver le dindon se rabat souvent sur les champs de maïs récoltés où ils picoreront les grains tombés par terre.

Cerfs de Virginie et dindons sauvages. © Par Jim Cummin, Shutterstock

Ces oiseaux ont une vue exceptionnelle à 300 degrés avec un facteur de grossissement d’environ 4x. Ils ont un tempérament nerveux et ils sont toujours aux aguets. Les mouvements du dindon sont habituellement motivés par la recherche de nourriture, il parcourt en moyenne 0,5 kilomètre par jour. Un groupe de dindons peut généralement occuper un territoire de 150 à 550 hectares. Normalement, les dindons s’aventurent rarement à découvert, soit à plus 100 mètres d’un boisé. Ils se déplacent souvent en empruntant des corridors forestiers ou des bandes riveraines. Fait surprenant, ils s’hydratent peu l’été, car ils puisent l’eau dans les plantes et les insectes qu’ils consomment.

Les dindons nous envahissent, ce n’est pas une farce!

Les dindons sauvages nous envahis­sent­ et leur présence cause des ravages dans les champs des agriculteurs. En 2015, l’UPA de l’Estrie avait d’ailleurs fait des pressions pour faire autoriser la chasse du dindon l’automne. Elle a finalement obtenu gain de cause quelques années plus tard. Les champs de certains agriculteurs en Montérégie, en Estrie et dans les Cantons de l’Est ont été complètement ravagés par des dindons sauvages. Les pertes se comptent en dizaines de milliers de dollars. Parfois on peut apercevoir plus de 150 dindons dans un champ. Ils écrasent les plants et mangent les graines fraîchement plantées. Quelques dommages ont déjà été répertoriés au Québec dans des vergers ou encore dans des vignobles. Jacques Gagnon, propriétaire de champs de fraises à l’est de Québec, pense avoir trouvé la solution pour les éloigner de ces champs : il utilise de la paille sans grain. Les dindons n’ont alors rien à picorer.

© Par Pitofotos, Shutterstock

Au Québec, il existe un guide des bonnes pratiques pour contrôler la déprédation animale en milieu agricole, le dindon en fait partie. Le guide recommande aux agriculteurs d’installer des filets anti-oiseaux pour protéger les cultures de petits fruits, de mettre également des clôtures autour des champs, car les dindons se déplacent plus souvent sur leurs pattes que par leurs ailes. Les canons effaroucheurs sont également un bon moyen pour faire fuir les dindons. L’hiver, lorsque ces oiseaux sont à la recherche de nourriture, ils peuvent se regrouper autour des bâtiments agricoles et causer quelques dégâts. Ils perforent les sacs de grains ou encore perforent et fouillent dans les enveloppes de foin. Cela cause de la moisissure, et ce même genre de dommage est observé dans les ballots d’avoine.

Les dindons ne sont pas à 100 % une nuisance pour les agriculteurs. Ils peuvent débarrasser certaines terres agricoles d’insectes nuisibles, tels que les scarabées japonais.

© Guillaume Lapierre, Ninja Média

La chasse

La période de chasse des dindons ouvre à la fin avril habituellement au Québec. Les adeptes de cette chasse vous diront que la viande est vraiment appréciée. En 2008, la chasse au dindon n’était autorisée qu’au printemps, mais depuis 2020, celle-ci est maintenant autorisée la dernière semaine d’octobre. Cette décision s’explique facilement, la population des dindes sauvages se portant très bien au Québec. Plusieurs chasseurs vous diront que la période de chasse est courte; ils doivent se lever tôt, car elle est ouverte trente minutes avant le lever du soleil, jusqu’à l’heure du midi (l’automne). À l’automne, il est permis de chasser les mâles et les femelles, tandis qu’au printemps, seulement le mâle est autorisé. Mais comment les différencier? Le mâle massif et robuste pèse entre 7,7 et 9,5 kg; en posture d’alerte, il peut atteindre jusqu’à un mètre de hauteur. Le mâle à barbe se différencie facilement à la forme de sa queue qui lorsqu’elle s’ouvre devient un éventail bien arrondi et quasi uniforme. Tandis que la femelle pèse 3,6 à 5 kg et mesure environ 75 cm de hauteur. On la différencie aussi à la couleur de sa tête bleu-gris et à l’absence de barbe.

© Guillaume Lapierre, Ninja Média

En 2020, c’est près de 18 000 chasseurs de dindons qui ont été inscrits au registre pour chasser cette bête à plumes. Selon le ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP), le but de cette nouvelle fenêtre de chasse est de mieux contrôler les populations afin d’éviter certains problèmes pour les citoyens, les propriétaires de bétails, de terres agricoles ou encore éviter des accidents de la route avec un dindon.

Nouveau gibier vedette

Que l’on aime ou pas le dindon sauvage, c’est le nouveau gibier vedette au Québec, gagnant en popularité depuis la mise en place d’une chasse spécifique octroyée par le MFFP. On estime les retombées économiques de cette activité récente au Québec à plus de cinq millions de dollars annuellement. Divers intervenants du milieu et les communautés autochtones se sont unis afin de mettre sur pied un plan de gestion des dindons sauvages s’échelonnant de 2016 jusqu’en 2023. Le plan mis en branle permet d’établir des orientations et des balises afin de mettre en valeur cette espèce et d’assurer la viabilité des populations au cours des prochaines années dans les régions où le climat et les habitats leur sont favorables. Les quatre principaux enjeux de ce plan de gestion sont la gestion du gibier, la pérennité de l’espèce, le développement de la chasse et la coexistence avec la faune. En espérant que les actions mises en place permettent de redorer le blason des dindons sauvages au Québec. Nous le saurons assez vite!

Pour en apprendre davantage sur ce plan de gestion, visionner cette entrevue avec François Lebel, biologiste au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

Sources :

https://zooecomuseum.ca/fr/animaux/dindon-sauvage/?gclid=Cj0K CQjwsqmEBhDiARIsANV8H3Y_l2YMpFwnT-h7xOuH10_5347m8RM_ rLOpRnT-03eRHCSg7HbXI4kaAlKrEALw_wcB

https://corpus.ulaval.ca/jspui/bitstream/20.500.11794/27078/1/32650.pdf

https://www.agrireseau.net/documents/95919/guide-des-bonnes-pratiques-pour-le-contr%C3%B4le-de-la-depredation-animale-en-milieu-agricole

https://mffp.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/Affiche-dindon-web.pdf

https://www.bestioles.ca/oiseaux/dindon-sauvage.html https://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/plans-de-gestion/dindon-sauvage/

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Cet article a été publié dans le Vol. 10 No. 3 du magazine numérique Vivre à la campagne.

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