Vivre à la campagne

Pourquoi rêvons-nous de vivre près d’un lac?

L’eau, les plans d’eau procurent des bienfaits exceptionnels à ceux qui ont la chance d’y vivre à proximité ou d’y avoir accès à l’occasion. Pas étonnant que de nombreuses publicités liées aux vacances évoquent avec bonheur le calme d’un bord de lac et le chant du huard.

On ne s’ennuie jamais près d’un lac. La faune et la flore s’y donnent constamment en spectacle pour faire vibrer nos cinq sens. Ce miroir du ciel nous crée des paysages époustouflants dont on veut garder des souvenirs photographiques qu’on se plaît à contempler encore et encore pour se détendre. Même lorsqu’il devient blanc et immobile en hiver, le lac nous stimule vers l’action. Il devient alors un lieu de rencontre à pied, en ski de fond ou en raquette.

Pas étonnant non plus que tout le monde veuille y avoir accès. Le Québec compte plus de trois millions de plans d’eau qui abritent une biodiversité essentielle à leur santé. Lorsqu’on choisit un coin de paradis sur le bord d’un « lac », il importe de s’informer sur de nombreux facteurs qui peuvent affecter cette biodiversité, la qualité de l’eau et les usages que l’on veut y pratiquer.

En kayak près de la décharge du lac Laurel.

La qualité de l’eau

Un lac est un réservoir d’eau qui reçoit toute l’eau de son bassin versant. Les activités anthropiques en amont du bassin versant constituent donc un facteur déterminant pour protéger ce patrimoine lacustre. Est-ce que les eaux de ruissellement apportent beaucoup de phosphore ou autres contaminants? L’eau provenant de l’agriculture, des rejets urbains (eaux usées municipales ou industrielles), des routes, des fosses septiques, etc., est-elle filtrée adéquatement avant son arrivée dans le lac? Si l’apport de phosphore et de contaminants est grand, il y a des chances que les plantes aquatiques et les algues prolifèrent et contribuent à l’eutrophisation (vieillissement prématuré) du lac. Dans ce cas, la baignade et la navigation de plaisance seront grandement compromises.

La superficie, la bathymétrie et le temps de renouvellement de l’eau du lac constituent d’autres facteurs clés à considérer. Est-ce un lac profond ? Est-ce que l’eau se renouvelle à une fréquence régulière ? Un lac profond qui est desservi par plusieurs sources d’approvisionnement non polluées a plus de chances d’être en bonne santé qu’un lac peu profond qui aurait peu de sources d’approvisionnement ou dont les sources d’approvisionnement seraient polluées. Les lacs de tête en amont du bassin versant, en milieu forestier naturel, possèdent généralement une bonne qualité d’eau.

La navigation de plaisance qui se pratique sur le lac peut également avoir un impact considérable sur la qualité de l’eau. En effet, les études réalisées par l’UQAM et l’Université Laval indiquent qu’un bateau de type wakeboat devrait circuler à 300 mètres de la rive et à une profondeur minimale de 7 mètres pour minimiser son impact sur l’érosion et la mise en suspension des sédiments du fond dans la colonne d’eau et donc, sur la vie aquatique. On sait que les sédiments issus de l’érosion ou du brassage par les embarcations-moteur contiennent du phosphore qui, en grande quantité, peut accélérer l’eutrophisation du lac.

Lorsqu’on veut choisir un coin de paradis ou s’informer sur celui où nous vivons, il est intéressant de consulter la carte interactive de l’Atlas de l’eau du gouvernement du Québec ou encore lAtlas des lacs, du Conseil régional de l’environnement des Laurentides. Ils contiennent une foule d’informations qui permettent de connaître les indicateurs de la qualité de l’eau de nombreux lacs du Québec. Ils indiquent également les résultats du suivi de l’état trophique du lac, réalisé par des bénévoles locaux en collaboration avec le Réseau de surveillance volontaire des lacs (RSVL) du ministère de l’Environnement du Québec. De plus, les cartes bathymétriques de ces lacs qu’on y trouve permettent une navigation responsable et durable en évitant les zones sensibles.

État trophique de certains lacs

Prenons l’exemple du lac Laurel, qui chevauche les municipalités de Lac-des-Seize-Îles et Wentworth-Nord et où mon mari et moi nous impliquons comme bénévoles depuis 2008 : avec plus de 49,7 mètres de profond à la fosse et une profondeur moyenne de 16,6 mètres, le lac Laurel est un lac oligotrophe à protéger comme on le voit au schéma produit par le RSVL.

Sa profondeur, malgré sa petite superficie de 0,659 km², permet tout de même une navigation de plaisance bien contrôlée. À cet effet, l’Association de Lac est très active avec son code d’éthique qui restreint la navigation avec remorquage dans une zone profonde bien définie et entre 10 h et 19 h seulement.

Le lac Laurel reçoit son eau de quatre sources en amont, toutes situées en zone forestière naturelle. Toutefois, il est vulnérable à la plante exotique envahissante, le myriophylle à épis, puisque son principal lac de tête, le lac des Seize-Îles, en contient beaucoup malgré les efforts déployés pour l’arracher. L’Association Lac Laurel a été très active entre 2015 et 2019 pour arracher de façon contrôlée cette plante du lac Laurel à l’aide de plongeurs expérimentés et de cueilleurs. Elle a réussi à tout arracher en 2019, mais les bénévoles restent vigilants pour arracher les nouvelles pousses.

Myriophylle à épis.

Le lac des Sables de Sainte-Agathe, quant à lui, possède une superficie de 2,96 km², mais une profondeur maximale de 23,6 mètres et une profondeur moyenne de 7,1 mètres. Les données du suivi réalisé entre 2008 et 2010 avec le Réseau de surveillance volontaire des lacs indiquent un état oligo-mésotrophe. De plus, une étude de capacité portante du lac en 2016 indiquait qu’il pouvait accueillir un maximum de 39 bateaux moteurs à la fois. En 2023, c’est plus de 600 bateaux moteurs qui possèdent une vignette pour y naviguer. Selon les riverains, la transparence de l’eau s’est grandement dégradée. Malheureusement, aucun suivi RSVL n’a été réalisé depuis 2010.

De nombreux lacs au Québec se situent à un stade plus élevé d’eutrophisation. Par exemple, les données du RSVL révèlent que le lac Aylmer de Beaulac-Garthby présente un profil mésotrophe, le lac Victor de Saint-Sauveur, un profil méso-eutrophe et le lac Boivin de Granby, un profil eutrophe. Une comparaison des différents paramètres (phosphore, chlorophylle, transparence, profondeur, qualité de l’eau de ruissellement, etc.) permet de comprendre pourquoi un lac est plus en santé qu’un autre, soit d’ultra-oligotrophe à hyper-eutrophe selon son classement trophique.

Rôle des bénévoles

Au Québec, le suivi de la qualité de l’eau de nos lacs repose sur le travail des bénévoles (des riverains le plus souvent) qui réalisent l’échantillonnage et qui sont soutenus par le ministère de l’Environnement pour l’analyse. Le rôle que jouent les villégiateurs ou les résidents permanents autour d’un lac pour la protection de ce patrimoine lacustre est primordial. Leur implication peut faire toute la différence pour conserver et même améliorer la qualité de l’eau du lac.

Certains organismes, comme les Organismes de bassins versants, les Conseils régionaux de l’environnement, le RAPPEL, la Fédération québécoise pour la défense des lacs et cours d’eau et la Coalition Navigation, aident les associations de lac qui en sont membres à mieux comprendre les phénomènes qui affectent leurs lacs, ou donnent une voix aux demandes d’actions de la part des gouvernements, notamment concernant les espèces exotiques envahissantes et la navigation de plaisance.

Rôle des instances gouvernementales

La sensibilisation à une navigation de plaisance responsable et durable comme celle qui est décrite dans la campagne de la Coalition Navigation restera nécessaire tant que la navigation de plaisance sera régie par la Loi sur la marine marchande du gouvernement fédéral. En effet, celle-ci ne tient pas compte des facteurs environnementaux pour réglementer la navigation de plaisance, qui y est considérée comme un « droit » plutôt qu’un « privilège ».

Les municipalités jouent un rôle majeur pour assurer la qualité de l’eau qui ruisselle vers les lacs, mais elles possèdent des pouvoirs limités pour réglementer la navigation de plaisance une fois qu’un bateau est entré sur le plan d’eau. Une caractérisation du plan d’eau devrait être réalisée et communiquée à tout navigateur avant son arrivée sur celui-ci. Il s’agit d’une des recommandations du Regroupement des organismes de bassins versants du Québec dans sa position sur l’accès aux lacs. Ce document campe bien les rôles que devraient jouer les différents paliers de gouvernement pour la protection de nos lacs.

Conclusion

Le contrôle des contaminants dans le bassin versant, les activités nautiques responsables pratiquées par les villégiateurs et les riverains, le respect des zones sensibles identifiées avec la bathymétrie du lac, le contrôle des plantes exotiques envahissantes et, surtout, l’acquisition de connaissances quant aux facteurs clés pour la santé du lac constituent des actions importantes qui sont à la portée de tous les résidents qui ont du temps pour s’impliquer dans leur coin de paradis.

Réaliser son rêve de vivre près d’un lac nous ouvre des horizons insoupçonnés qui peuvent se transformer en passion. La beauté d’un lac se trouve dans les yeux de la personne qui le regarde, dans le sentiment de bien-être qu’il lui procure, mais aussi sous la surface, là où la vie aquatique a tellement à nous apprendre.

N’hésitez pas à suivre les liens hypertextes de cet article pour parfaire vos connaissances. Nous espérons vous avoir donné le goût d’en connaître davantage et de vous impliquer pour votre coin de paradis.

Par Denise Cloutier, B.A.A., M.Env.
Présidente – directrice générale Arrimage.com – La voix de l’eau et vice-présidente de la Coalition Navigation

*Cet article a été publié dans le Vol. 12 No. 2 de Vivre à la campagne.

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