Vivre à la campagne

Les tiques nous envahissent

Par Annie Martel

Depuis quelques années au Québec, nous entendons de plus en plus parler des tiques et de la maladie de Lyme dans les médias. Cette maladie en effraie plusieurs, dont moi qui suis déjà de la chair à moustique. Bien qu’au premier regard cet acarien ne semble pas très dangereux, les conséquences qu’il peut avoir sur l’humain, ou sur les animaux, peuvent parfois être fatales et impacter la vie des gens à tout jamais. L’évolution de la tique au Québec est prise très au sérieux par plusieurs organismes gouvernementaux et par la santé publique. D’ailleurs cet été, de nombreuses publicités ont été diffusées dans diverses stations de radio afin d’informer les gens de la nécessité de bien se protéger contre les tiques en forêt et de la possible dangerosité de celles-ci.

© Le Fonds Saint-Bernard

QU’EST-CE QU’UNE TIQUE?

La tique, de la famille des Ixodida (en grec), appartient au même groupe que les araignées, mais ce n’en est pas une, c’est un acarien. Mesurant environ trois à six millimètres, elle se développe en trois phases: la larve, la nymphe et la taille adulte. Dans certaines régions du globe, telles que les pays tropicaux, la tique peut atteindre jusqu’à 30 millimètres. Contrairement aux araignées, les tiques se nourrissent du sang d’animaux et même du sang de l’humain. Lorsqu’elles se nourrissent d’hémoglobine, elles rejettent une quantité de salive ou d’agents pathogènes dans leur hôte. C’est ainsi qu’il y a un risque de transmission et de contamination. Le réchauffement climatique est un facteur dans l’apparition des tiques au Québec. Les oiseaux provenant des pays chauds et porteurs de la maladie de Lyme immigrent ici et contaminent certaines espèces d’animaux. Après s’être trouvé un hôte, les tiques se nourrissent de son sang pendant quelques heures voire même quelques jours. Une tique en mode « vampirique » peut se multiplier par 620 en cinq jours.

Tiques avant et après avoir mangé. © Agence Science-Presse

LES TYPES DE TIQUES

On retrouve dans le monde près de 900 espèces de tiques. Au Québec on rapporte à ce jour 12 espèces. Pour la province, il existe un guide d’identification des tiques, créé spécifiquement pour aider les médecins, vétérinaires et autres professionnels de la santé à identifier des spécimens qui leur sont rapportés par leurs patients.

La tique représente le deuxième vecteur de maladies humaines, après le moustique. La tique du chevreuil est celle qui s’avère la plus susceptible de transmettre l’infection Borrelia burgdorferi (la maladie de Lyme) à l’être humain. Au Canada, la deuxième tique la plus répandue est la tique occidentale à pattes noires. Il existe aussi la tique étoilée d’Amérique, mais il est peu probable que celle-ci transmette la bactérie Borrelia burgdorferi. Par contre, elle peut transmettre d’autres maladies infectieuses, telles que l’ehrlichiose et la tularémie. La bactérie a été nommée ainsi en l’honneur de son découvreur, Willy Burgdorfer, qui l’a rendue responsable de la maladie de Lyme. Je ne ferai pas ici la présentation de toutes les espèces de tiques répertoriées au Canada, mais sachez qu’il ne faut pas prendre à la légère ce type de bibitte.

Tique sur les orignaux. © Gouvernement du Québec

LA TIQUE D’HIVER, CELLE QUI INQUIÈTE LES CHASSEURS

Nos hivers moins rigoureux font en sorte que les tiques s’attaquent davantage à certaines espèces d’animaux, comme les orignaux, un phénomène qui inquiète plusieurs chasseurs québécois. Christian Dusseault, chercheur en faune terrestre au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, dit haut et fort que l’évolution de la tique d’hiver n’est pas à prendre à la légère, elle pourrait bousculer notre écosystème et nos habitudes de chasse, voire même nos habitudes de vie à la campagne.

© Sentier Chasse-Pêche

Les larves se développent l’été, mais l’automne les tiques se cramponnent aux orignaux (ou une autre espèce) afin de se nourrir de leur sang pendant l’hiver. Au printemps, elles se détachent de l’animal et retournent au sol afin d’y pondre leurs œufs. (Après l’accouplement, le mâle meurt; la femelle meurt après la ponte.) Selon Christian Dusseault, il est hyper important de déterminer quel pourcentage de cervidés sera impacté par les morsures de tiques au Québec. La situation inquiète, car dans l’État du New Hampshire, la tique a fait diminuer de moitié le cheptel des orignaux. Si les États-Unis sont affectés par ce parasite, il faut donc prévoir une progression imminente sur notre territoire.

© Passeport Santé

Toujours selon les recherches de Christian Dusseault, qui avec une équipe d’élite a capturé près de 100 orignaux dans l’est du pays, sur lesquels ils ont installé des émetteurs, près du tiers de ces bêtes sont mortes à cause de la tique d’hiver. Il faudra encore de trois à quatre ans aux chercheurs pour compléter cette importante étude et ainsi nous en présenter les résultats concernant la faune et l’impact de la tique sur celle-ci.

COMMENT SE PROTÉGER DES TIQUES?

Ces acariens adorent se nicher dans les grandes herbes, les buissons ou sous les arbres, alors comment les éviter?Selon le site Internet quebec.ca, il existe différents moyens pour échapper aux piqûres de tiques.

VOICI QUELQUES CONSEILS :

  • Portez des vêtements longs et couvrez-vous le mieux possible.
  • Utilisez un chasse-moustiques à base de DEET ou d’icaridine. Pour ce faire, suivez les conseils d’utilisation du chasse-moustiques.
  • Privilégiez la marche dans les sentiers.
  • Entretenez bien la végétation autour de votre maison, particulièrement près des aires de jeu des enfants.
  • Bien que ces conseils semblent judicieux, il est difficile de se protéger de la transmission du virus par la contamination croisée. Toutefois, les tiques ne sont pas toutes porteuses de la bactérie, nous vous rassurons.
Morsure de Tique. © INSPQ

QUOI FAIRE EN CAS DE MORSURE?

Si au Québec les tiques peuvent transmettre la maladie de Lyme, les moustiques quant à eux peuvent transmettre le virus du Nil occidental et bien d’autres maladies. En cas de morsure d’une tique, saisissez la bestiole à l’aide d’une pince en étant le plus près possible de la peau. Il est important de ne pas presser l’abdomen de la tique, car cela augmente le risque de transmission de la bactérie responsable de la maladie de Lyme.

Tirez la tique doucement, mais fermement et de façon continue, sans la tourner ou l’écraser pour permettre son retrait entier sans la briser. Si sa tête reste implantée dans la peau, vous pourrez ensuite la retirer délicatement avec la pince. Il est fortement recommandé de conserver la tique retirée dans un bocal et de la mettre au réfrigérateur, car celle-ci pourrait être utile à votre médecin afin qu’il puisse déterminer quel type de tique a dévoré une partie de votre sang.

Après avoir retiré la tique, appelez Info-Santé. L’infirmière vous indiquera si vous devez consulter un professionnel de la santé et selon l’évaluation de la situation, un antibiotique pourrait vous être prescrit de façon préventive.

Piqure de tique sur le côté du genou © Annie Martel

LA MALADIE DE LYME

Les symptômes de la maladie de Lyme peuvent varier d’une personne à l’autre et apparaissent généralement  entre 3 et 30 jours après la piqûre d’une tique porteuse de la bactérie. Cette maladie est sournoise, car elle n’est pas nécessairement associée à des démangeaisons de la peau après une piqûre. La piqûre est parfois très pâle et peut avoir des contours mal délimités. Certains indices inquiétants sont la fatigue, la fièvre et les courbatures… des symptômes qui peuvent s’apparenter à ceux de plusieurs maladies, tels que la grippe et la COVID. Difficile de savoir exactement ce que notre corps veut nous dire. Si cette infection n’est pas rapidement déterminée, les symptômes pourraient s’aggraver si la bactérie se propage dans l’organisme. Ces symptômes ou les conséquences peuvent être une paralysie du visage, des palpitations, des douleurs à la poitrine et des étourdissements, ils peuvent parfois prendre quelques semaines, voir même des mois avant de se dévoiler.

Avant 2014, personne n’avait réellement entendu ou prêté attention à la maladie de Lyme. Le plus vieux cas de cette maladie est celui d’Ötzi, un homme qui a vécu il y a 5 300 ans. Il est mort dans les Alpes. Son corps a été congelé et préservé par le froid des hautes montagnes, et on y a retrouvé la bactérie responsable de la maladie.

UNE FORTE PROGRESSION DEPUIS QUELQUES ANNÉES

Depuis 2011, on observe une forte progression du nombre de cas de la maladie de Lyme déclarés à la Santé publique du Québec. En 2014 on recensait environ 125 cas au Québec et en 2020, on estime le nombre à 400 cas. Le fait que les hivers québécois sont moins froids qu’auparavant pourrait en partie expliquer la progression des années antérieures. L’adoucissement du climat permettrait aux tiques de survivre et de se développer plus facilement. À l’échelle de la province, la proportion de tiques positives, qui était estimée à 18 % en 2018, était passée à 24 % en 2019. On dit même que la maladie de Lyme est la seconde maladie infectieuse après le sida.

Pour certains chercheurs français, la maladie de Lyme est une vraie bombe à retardement, tandis que pour d’autres, c’est une banale infection facile à soigner. Les protocoles qui permettent de soigner cette maladie sont au cœur d’une guerre d’experts. La situation suscite maintenant un débat mondial.

LA MALADIE DE LYME DANS LE MONDE

En 2017, aux États-Unis on estime à ce moment-là la population infectée par la maladie de Lyme à 300 000 personnes.

En Allemagne, on compte plus d’un million de cas de cette maladie.

En Australie, on estime que la tique est responsable de la mort de 500 personnes par année.

Petit fait vécu…

Il y a deux ans, en nettoyant mon plancher, j’ai trouvé au sol une bizarre de boule durette. En l’observant de plus près avec mon cellulaire, j’ai aperçu des petites pattes à cette fameuse boule. En fouillant sur Internet nous avons vite compris que nous venions de trouver une tique dans la maison. Vous vous demandez certainement comment ce parasite s’est retrouvé sur mon plancher? Cette fameuse tique avait certainement adopté mon chat comme moyen de transport. Pris de panique sachant que la tique pouvait avoir des conséquences irréversibles, nous avons donc appelé notre vétérinaire afin de savoir quoi faire si notre chat avait été piqué par cette bibitte. La vétérinaire de l’endroit nous a rapidement rassurés en nous mentionnant que les chats étaient rarement atteints de la maladie de Lyme. Rien de très précis n’explique cette théorie, mais c’était pour nous rassurant. Elle nous a tout de même demandé de rester attentifs à certains symptômes dans les semaines qui suivront, tels que la perte d’appétit, un état léthargique ou encore des problèmes d’articulations. Heureusement, notre chat n’a présenté aucun symptôme décrit, nous étions rassurés.

Capture d’écran de l’application Etick.

L’APPLICATION ETICK

À la suite de cet incident entre cette fameuse tique et notre chat, nous avons découvert en cherchant sur Internet différentes informations sur les tiques, mais aussi, qu’il existait au Canada un site (une application) répertoriant les tiques retrouvées. Développée en Saskatchewan, cette application mobile se veut un projet de science citoyenne, qui invite le public à s’impliquer dans le suivi des populations de tiques pour augmenter les connaissances des chercheurs sur leurs aires de distribution au Canada en soumettant des photos de tiques sur le site web afin de faciliter leur identification par un professionnel. Les résultats d’identification des tiques, combinés à ceux de leur date et lieu de collecte, apparaissent ensuite sur une carte interactive, de façon à ce que tous les utilisateurs puissent visualiser rapidement toutes les soumissions pour une ou plusieurs espèces, et ce, pour la région et/ou l’année de leur choix. C’est ce que nous avons fait après avoir retrouvé cette tique chez nous. Nous avons alors découvert que quelques tiques avaient été répertoriées dans notre secteur, soit Saint-Hubert, situé sur la Rive-Sud (Montréal).

Informations : https://www.etick.ca

Les tiques et les chats. © Annie Martel

LA RÉGION DE L’ESTRIE À RISQUE

Au Québec, selon les données de surveillance disponibles, ces tiques sont établies dans certains secteurs des régions telles que l’Estrie, la Montérégie, l’Outaouais, Lanaudière, la Mauricie-Centre-du-Québec, les Laurentides et même à Montréal. Vous pouvez suivre le nombre de cas de la maladie chez les humains au Québec ici : https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/ zoonoses/maladie-lyme/tableau-des-cas-humains-bilan/.

C’est en Estrie (plus précisément à Bromont) et en Montérégie qu’on retrouve le plus grand nombre de cas. Soit 116 cas totaux sur 160 cas répertoriés au Québec en 2021. Afin de mieux comprendre les tiques et leurs habitudes et pour tenter de canaliser ce problème, des chercheurs de l’Université de Montréal ont installé entre 700 et 800 pièges en bordure des sentiers et près des résidences à Bromont. Au dire de Catherine Bouchard, professeure associée à la Faculté de médecine vétérinaire – Département de pathologie et microbiologie, ces pièges contiennent un appât médicamenté pour les petits rongeurs sauvages. Une fois ingéré, le médicament les protège contre les tiques et contribue à diminuer le nombre de tiques infectées dans l’environnement. En 2020, la Ville de Bromont était la première municipalité au Québec à participer à un tel exercice.

Le type d’endroit pour retrouver des tiques. © Annie Martel

Malheureusement, cette année, une nouvelle infection a été répertoriée à Bromont, l’anaplasmose. Six personnes ont été infectées par la bactérie responsable. La maladie se traite avec des antibiotiques, mais contrairement à la maladie de Lyme, elle ne cause pas de rougeur sur la peau et les symptômes provoqués ne sont également pas les mêmes. Par chance, les microbiologistes du Québec et infectiologues connaissaient l’existence de cette maladie, répandue aux États-Unis. Les personnes atteintes de cette infection ont pu être rapidement traitées et prises en charge.

La maladie de Lyme n’est pas le fruit d’une psychose sociale, elle est bien réelle. Autrefois appelée maladie imaginaire, elle entraîne des symptômes bien tangibles qui affectent la vie des personnes atteintes au quotidien. Est-ce qu’un jour des chercheurs trouveront un remède ou encore une façon d’éradiquer les tiques, seul l’avenir nous le dira. Chose certaine, il faudra dans le futur user de vigilance envers cette espèce qui nous envahit de plus en plus. Va- t-on devoir se méfier des sous-bois? La question se pose! Cette maladie ne doit pas causer une hystérie collective, mais soyez dorénavant davantage aux aguets de chacune de vos petites piqûres et de l’évolution de celles-ci afin d’éviter des ennuis de santé. Loin de moi l’idée de vous inciter à développer une paranoïa envers la tique, mais on n’est jamais trop prudent. Ne l’oubliez pas, les tiques gagnent du terrain!

Sources

https://veterinairesherbrooke.ca/une-tique-mais-quest-ce-que-cest-exactement/

https://www.inspq.qc.ca/guide-d-identification-des-tiques-du-quebec

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1699505/identification-maladie-lyme-tiques-photos

https://canlyme.com/fr/mesures-preventives-contre-la-maladie-de-lyme/identification-des-tiques/

https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/sante-et-environnement/se-proteger-des-piqures-de-moustiques-et-de-tiques/?gclid=CjwKCAjwmK6IBhBqEiwAocMc8gCLd99BqexX86J3ld8N9N7_wLcWObFDBwrrAIuaiKtS6khpgcVGqhoC5I8QAvD_BwE

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https://www.youtube.com/watch?v=jBmb6AMq_SM

https://www.youtube.com/watch?v=crAgzXD7kPc

https://www.tvanouvelles.ca/2021/07/20/une-nouvelle-infection-transmise-par-les-tiques-en-estrie-1

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